Il y a soixante ans, être enfant de choeur, pour les enfants d’une
petite commune comme Bouzillé, c’était une sorte de passage
obligé.
Enfant de choeur du dimanche ou de semaine ? Être
enfant de choeur de « semaine » était réservé à une
partie des enfants du bourg car il fallait « répondre la
messe » le matin aux aurores et c’était un peu
« l’aristocratie » par rapport aux enfants de choeur du
« dimanche » jugés « moins fiables » par le
curé car sans doute moins sages. Les enfants de la campagne,
de part l’éloignement, ne pouvaient pas assurer le service de
semaine.
La tenue, à l’époque, était la soutane rouge et le surplis
blanc. La soutane noire était réservée aux sépultures. Il y avait
une telle quantité de boutons que mercredi était souvent avec
jeudi.
L’enfant de choeur de semaine devait « répondre » la
messe le matin à sept heures, du lundi au samedi. Il faut
l’imaginer, les matins d’hiver, se rendant à l’église dans le
froid et l’obscurité. Seul, il préparait les burettes, flacons
d’eau et vin nécessaires à l’office et répondre à la liturgie
en latin que nous ne comprenions d’aucune manière. Le remplissage
des burettes ? La fourniture de l’eau ne posait aucun
problème. Celle du vin était autrement compliquée : si la
bouteille était vide, il fallait en chercher une nouvelle dans la
cave du presbytère profonde et angoissante à souhait. Il est arrivé
qu’un « choriste » pris au dépourvu compléta la
burette de vin avec de l’eau. Cela n’échappa pas au père curé
qui, sans évoquer de blasphème, colla une belle paire de gifles au
malheureux gamin.
A cette époque, les liturgies étaient nombreuses, les enfants de
choeur de semaine, scolarisés en primaire, « séchaient »
les cours pour participer aux sépultures ; les baptêmes et les
mariages étaient souvent fixés au dimanche ou au samedi.
Les moments importants de la liturgie tels que la Semaine Sainte,
Pâques ou Noël mobilisaient grandement la troupe des enfants de
choeur . Tout gosses qu’ils étaient, ils devaient transporter
les livres nécessaires à la cérémonie. Il advint, qu’un jour,
le livre passa par-dessus la tête du servant pour finir au bas de
l’autel. Nous savions que si l’officiant donnait du talon sur le
plancher de l’autel, c’est qu’il était mécontent du service
et, à l’issue de la cérémonie, alignés dans la sacristie, nous
attendions le verdict et le châtiment, souvent « un bon
savon ».
Toute peine méritant salaire, les enfants de choeur « faisaient
la quête » à l’issue des baptêmes en plus des dragées.
L’argent récupéré et gardé au presbytère était redistribué
chaque trimestre. Les sommes étaient on ne peut plus modestes, mais
pour nous, c’était quelque chose d’important.
La tournée des « œufs de Pâques » était un moment
« phare » dans la vie d’un enfant de choeur. La semaine
précédent Pâques, nous partions trois ou quatre jours parcourir la
commune, solliciter chaque maison pour récolter des œufs, des
friandises ou quelque menue monnaie. C’était l’occasion d’une
grande balade ponctuée de tout ce qui pouvait passer dans la tête
de gamins de dix ans, avec l’angoisse ou le désir de rencontrer
les enfants de choeur des communes voisines pour une bataille rangée
du style de « la Guerre des Boutons », ce qui n’est
jamais arrivé.
Enfin, et cela concerne des souvenirs plus personnels : au
début des années 60, l’abbé Besnard nous offrit un voyage à
Lourdes. Nous descendîmes dans les Pyrénées : cinq enfants de
choeur plus le père curé dans une Dauphine Renault ! Séjour
incroyable pour nous qui n’avions jamais voyagé. Le séjour
concocté par le père Besnard était largement plus touristique que
religieux mais personne ne s’en plaignit.
Ces souvenirs sont forcément incomplets ou peut-être erronés,
mais c’est ce que j’ai pu en retenir. Certains, j’en suis sûr
s’y retrouveront.